Danses macabres

FAIRE LE DEUIL
et ce, avec la série Danses macabres, Trophées et autres Vanités

En 1989, je mettais en scène à San-Francisco la photographie intitulée LE GRAND SOMMEIL : quelques unes des dernières nonnes du groupe The Sisters of Perpetual Indulgence acceptaient de poser telles des mortes au-dessus du Golden Gate… J’avais ensuite pris la décision d’arrêter ma longue série photographique commencée 8 ans plus tôt. Faire le deuil de ce superbe et douloureux sujet était très difficile ; le chagrin lié la perte irrémédiable de certains amis et modèles et la frustration à ne rien faire de créatif qui soit aussi fort que ce que j’avais entrepris auparavant, étaient pénibles.

En 1992, alors que je côtoyais quelques jours par semaine un vieux squelette j’eus l’idée de le photographier ; j’en trouvais rapidement un second pour les accoupler ! Mais je n’avais ni le matériel nécessaire à l’éclairage artificiel de mes nouveaux modèles, ni le studio. Mon collègue Claude me le fournit : un garage et des Balcars ! Il fallait me mettre au travail et commencer par une image : le déclencheur fut le suicide d’un ami. Ne pouvant être guéri d’une maladie dégénérative, Jean-Louis s’est donné la mort et j’avais, sans le savoir, été son dernier interlocuteur… au téléphone !

APPARITION est le titre de la première image de la série DANSES MACABRES, TROPHÉES ET AUTRES VANITÉS. C’est le titre d’un tableau de Gustave Moreau : la tête de Saint Jean-Baptiste apparaît à Salomé, flottant dans l’air, couronnée de rayons divins, alors qu’elle vient d’obtenir de son beau-père le roi Hérode sa décapitation. L’image symbolise la victoire du pouvoir politique sur la religion, laquelle toutefois semble encore vivante mais… décapitée.

Ce qu’il faut savoir, c’est que dès l’apparition de la technique photographique, on a nommé l’assistant du Bourreau (cf. la guillotine), LE PHOTOGRAPHE ! La photographie naissante exploitait principalement le portrait, succédant ainsi à la peinture. Les peintres de quartier se convertissaient vite à la photographie. C’est d’ailleurs pour cette raison que les photographies du XIX ème siècle étaient signées : « Atelier » ou « Studio » dans l’acception italienne du terme. L’assistant du bourreau tenait les cheveux des suppliciés en avant du couperet afin de dégager leur cou, ensuite il exhibait leur tête coupée ! L’histoire ne s’arrête pas là : le premier obturateur mécanique pour appareil photo a été breveté sous le nom « d’obturateur à guillotine » ! Il est probable que mon prénom Jean-Baptiste et mon statut de photographe aient quelque chose à faire avec ces anecdotes.

Une composition intitulée LE BISCUIT montre un crâne chapeauté de deux antiques palmes de plongée simulant le ruban en forme de nœud des costumes traditionnels des Alsaciennes. Ce titre est une allusion à la marque aujourd’hui disparue L’ALSACIENNE BISCUITS. La galerie Stimultania de Strasbourg a évidemment choisi cette image pour le carton d’invitation de l’exposition qu’elle m’organisa en 1994. Dans les mois qui suivirent cette expositon, la groupe BSN rachetait la marque et la faisait disparaître en tant que telle. Le caricaturiste Honoré publiait dans Charlie-Hebdo, un dessin montrant un crâne humain enrubanné avec le texte suivant : « La fin des langues de chat, des palmitos, des chamonix-oranges : L’Alsacienne disparaît / BSN m’a tuer » (allusion à la pseudo-signature de madame Marshall écrite avec son sang : « Omar m’a tuer » !). J’envoyais un joli tirage argentique à Honoré qui me fit parvenir le dessin original avec une dédicace ! L’Alsacienne Biscuits ayant disparu depuis lors, il est difficile 20 ans après de comprendre le titre que j’ai donné à cette composition.

J’arrêtais cette nouvelle série au bout de 2 ans (1992 et 1993).